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L'OISEAU-DIEU
CRITIQUES

L’OISEAU-DIEU
1981

Lucrèce a découvert le ballet des atomes : le jeu du hasard et de la nécessité. Si le lait, le miel, l’amour et la mort sont programmés, nous voici délivrés des Dieux, de leurs embrouilles et de la distribution des prix de l’au-delà !
Nos machines humaines, ami Lucrèce, te donnent raison puisque notre monde de gloire et de fragilité trouve sens et achèvement dans la possession. Homme et troupeaux s’amassent et rien ne surpasse la douceur de la cupidité. Elle programme tout, souffre tout, nous protège d’autrui, nous arrache même au mythe de la singularité, et, nous ayant délivré de notre semblable, nous offre le don de l’invisibilité afin de nous permettre de compter, de supputer d’acheter, de vendre et de gagner davantage… à la vitesse de l’éclair.
Lisez et relisez Lucrèce, l’atome passe l’homme, l’amour n’est que cela et la mort aussi. Pourquoi nous rêver immortels ?

Puis-je entendre en moi – de sang froid – le timbre d’une voix morte, puis-je survivre à des êtres aimés et disparus ? Ni images, ni films, ne sauront me rendre leur présence, leur respiration. Le plus beau des mots de la vie demeure celui de souffle. Nous aurions besoin d’un Dieu aussi léger, mobile et présent qu’un oiseau échappé de la forêt des dogmes, léger, plein d’ivresse et de lumière, mais L’Oiseau-Dieu existe-t-il ?

Conscient des déflagrations de Marx, de Freud et des maîtres du soupçon qui rendent étroites les marges de notre liberté, je livre ici la question de ce petit livre : que devient notre relation d'homme absorbé par nos moulins-à-sciences avec le ToutAutre ? Est-elle seulement imaginable ? Le Dieu sensible au coeur de Pascal a-t-il encore un sens, en cette fin de siècle, en cette fin de monde ?

Francis J GREENE