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Prends la lune par la douceur
Cet îlot sur létang
Suffira
Lune
Oignon plus rouge
Encore !
Mielleuse
La lune de haute mer
Sans feu ni lieu !
Lune
Patate terreuse
Laissée dans un champ !
Étoiles
Et ronces
Face à face
Des mers du sommeil
Monte la lune
Changée en île
LHIVER
Crépuscule
Des dernières charrues
Les collines pivotent
Pour soulever
La pâte des vieux étés
Un moineau suffit !
Un arbre vomit
De lourdes feuilles vertes :
Cour des cancéreux !
Paysage :
Solitude et enfance
En noir et blanc !
Létrangleur
Ce vent de chanvre :
Ah ! Mon cou !
Ils sont doù
Ces bleus de janvier
Prisonniers de la nuit ?
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Les grands japonais Bashô, Buson, Issa, ont su sinclure eux-mêmes et le monde en quelques syllabes. Le haïku est autre chose que les graffitis pratiqués par milliers par lauteur dans un précédent recueil : Les graffitis (LHarmattan). La ville de New York y est à nouveau évoquée dune façon plus graphique ici que dans le poème NY 9/11 qui paraît concomitamment chez le même éditeur. |
Écrire des haïkus ? Quel combat ! Jai voulu, bien sûr, marcher à la suite des grands : Bashô, Buson, Issa, qui ont postérité, sans oublier le Claudel des « Cent phrases
» qui a naturalisé ces poèmes minuscules en français. |
Le haïku se plaît aux extrêmes de la vie. Proposé en France dans des écoles, les enfants ont su en tirer parti, bien quil me semble davantage accordé au temps de la vieillesse ! Quavons-nous envie de restituer de la vie lorsque celle-ci est prête à nous quitter ?
Dans sa singulière brièveté, le haïku nimplique aucune approche intimiste : il ressemble plutôt à une météorite ! Le Japon aura, le premier, découvert et imposé sa loi des dix-sept syllabes à ne jamais dépasser : la moindre expérience de cette écriture permet den vérifier le bien-fondé ! Par ailleurs, je témoigne que la langue française ma offert du bonheur dans lemploi du rythme de treize pieds. A lopposé, je me suis refusé à la tyrannie de la mesure « interne » de lécole classique japonaise du 5/7/5. Notre langue a ses libertés, ses structures, ses usages, notamment celui de saluer un verset par une majuscule qui invite à ralentir la lecture de textes si courts afin den pressentir les non-dits. |
Shiki dit du haïku quil se forme presque à notre insu. Notre travail consisterait seulement à le retenir. Il fixe un événement, fût-il minime, mais sans surcharge. On y respire un air vif qui possède la saveur du vécu et la fragilité de linstant.
A la figure des quatre saisons, jai ajouté : les vents, les astres, les instants, la nature, les morts. Enfin, jai repris, une fois encore, la « constellation » de ma ville éponyme : New York ! Voilà pour lordre apparent : mais ces haïkus dOccident (sans doute trop subjectifs pour un pinceau japonais) apportent-ils dautres liens entre lhomme et lunivers ? Nest-ce pas en dérangeant celui-ci que nous risquons de trouver un peu de clarté ? Ce dérangement me semble, dans un monde tiraillé par les rationalités scientifiques et « largent-roi », la tâche même, spirituelle et nécessaire, du poète ?
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