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ŒUVRES
LES CHAMBRES
À l’amour, à la vie, à la mort
CRITIQUES

Ce recueil, intitulé « Les Chambres » est constitué d’une introduction et d’un poème décliné en vingt quatre heures d’Antoine de Vial. Composé en Cochin corps 14, il a été conçu, imprimé et illustré par mes soins sur un velin d’Arches de 160gr. au format de 13x28cm à l’Atelier du Quatre de Chiffre, 77 Grande rue à Neauphle-le-Château en juin 2003.
L’édition de ce poème se répartit ainsi : 22 exemplaires de tête enrichis d’une eau-forte signée de Gilles Alfera, présentés sous couverture toilée et numérotés de I à XXII - 44 exemplaires pour la suite, présentés sous jaquette carton des Moulins de Laroque, numérotés 1 à 44 – et huit exemplaires de chapelle dont celui du dépôt légal aux livres rares de la Bibliothèque Nationale de Paris.
L’ensemble constituant l’édition originale, chaque exemplaire étant signé par l’auteur et par l’artiste.


LES CHAMBRES
« Ce que vous avez dit à l’oreille dans les chambres sera proclamé sur les toits »
Luc XII,3

Elles ont partie liée avec le mystère de la solitude et le versant intime et nocturne de nos vies. On y naît, on y aime, on y meurt.
Elles permettent un dialogue immobile avec le jour, mais surtout avec la nuit.
Les chambres sont le point fixe de notre circonférence des vingt quatre heures qui commencent ici à une heure et non à l’aube monastique. Elles sont le décalque de la ronde d’un Dieu tour à tour et à la fois : Don, Accueil, Souffle. Sa lumière « a lieu d’elle-même » (évangile de Thomas) et se révèle aux seuls cœurs dépossédés d’eux-mêmes.
C’est dans la plus ordinaire d’entre elles, nous dit encore la Bible, que l’ange, à Nazareth de Galilée, s’est penché vers une humble jeune fille.

Ainsi, ces vingt quatre chambres peuvent favoriser la rencontre du Sans Nom dans nos sociétés si habiles à compter, engranger, sélectionner plantes, animaux et humains dans une symphonie de la consommation qui s’élève d’une planète devenue sans feu ni lieu pour le Tout Autre.
Bonheur d’un moment solitaire dans les chambres où l’on monte d’une façon imprévue durant le temps de travail, où l’on se trouve soudain - sans voisin - à l’hôpital, où l’on remarque, depuis un hôtel d’aéroport, le vol silencieux des avions qui décollent !
Ferme les yeux pour abandonner robots, messages sans messagers, infos, bilans : écoute la mer, parle au vent, accepte l’absence mais envoie dinguer la souffrance.
Quitte l’engrenage des calculs pour le combat avec toi-même, avec les autres, avec l’ange.
Le lit n’est-il pas le navire d’un voyage dont nous prenons chaque nuit la pose ?
Mais c’est déjà l’agonie que de remâcher la séparation, de goûter l’amertume de l’amour repoussé, de serrer les mâchoires devant la maladie et, plus encore, de distiller ces goudrons qui viennent du cœur.
Pénètre alors dans les chambres de ce petit livre aux fenêtres sans nombre.
Je les ai entrouvertes en moi-même tout à la fois sur l’absence de Dieu et son pressentiment. Pour éviter le mode direct, j’ai recours au verdict d’une sorte de tribunal : celui de l’aube, des morts, des fontaines, ou encore de la mer.

L’abord de l’Énigme exige l’oblique.
Dans ces chambres, laisse béante ta propre fenêtre : l’angoisse et la joie ne sont-elles pas sœurs ? Puisque intérieur et extérieur coïncident, je ne t’invite pas, ici, à quelque progression, mais à parcourir une sorte de « journal déchiré » mêlant consentement à la Trinité et pugilat avec ses envoyés.
Ces temps qui sont les derniers n’ont-ils pas déserté et subverti le divin ?
Il reste alors, quand il fait sombre, les blessures par l’éclair (proche ou très lointain) pour contenir ou parfois même combler la part en toi que tu persistes à nommer « l’obscur ».

Antoine de Vial





C’est de Toi que provient l’être et le jour
Je prends Ton Nom-abîme pour demeure
Sachant que je suis absence de Toi

Dans mes greniers – sans cesse je T’invente
Car je suis l’oiseau – délivré du ciel -
Et la terre - du songe des moissons -



De vin – de vent – Ton être violent
Récuse Tes témoins – un à un –
Pour citer – en soleil – des plaideurs
Sans mots à la barre des rosées
Qui lavent du soupçon – jusqu’à l’ombre –


Plus loin aussi - Tu broies
Notre étoile au mortier
De tous les dénuements

Fenêtre de minuit -
Comme un dû - Tu nous donnes
La fontaine qui brûle
Sans recours étranger

Que tienne Ta Parole
Pour exercer nos cœurs
Aux révoltes qui domptent
L’infime certitude

Urgente pauvreté
Par l’exclusion – Te dire –
Et - dépris - Te trouver
Tu fais de Ta lumière
Le chiendent de nos œuvres
Amasse Ton butin
Jusqu’aux toits de nos granges

Là où cessent Tes routes
La mer se fait menue
Pour définir plus bas
Les modes du soleil

D’hiver - on fait ces soies
Que déchirent les coqs
Alors – Ton espérance –
Est-ce de voir mourir ?